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L’enquête pénale d’exécution dans le code d’instruction criminelle

24.04.2014

Le législateur veut améliorer le recouvrement des amendes et confiscations et introduit pour ce faire un nouveau type d’enquête : l’enquête pénale d’exécution (EPE). L’instauration de l’EPE permet au ministère public de rechercher activement le patrimoine du condamné qui se soustrait sciemment à ses obligations fiscales et de le saisir. Outre les méthodes d’enquête classiques, des méthodes particulières de recherche peuvent être engagées.

La procédure se voit attribuer une base légale dans le code d’instruction criminelle via deux lois du 11 février 2014. Les dispositions s’appliquent à partir du 18 avril 2014, soit 10 jours après leur publication au Moniteur belge. La publication de l’arrêté d’exécution est encore attendue, après quoi la procédure pourra être appliquée de manière effective. Cet arrêté a été approuvé définitivement par le Conseil des ministres le 28 mars 2014.

La nouvelle législation implémente le plan d'action 2012-2013 du Collège de la lutte contre la fraude fiscale et sociale ainsi que les mesures complémentaires en matière de lutte contre la fraude prises par le Conseil des ministres lors du conclave relatif au budget 2013. 

EPE sous la direction du MP
A défaut de paiement par une personne condamnée de la confiscation spéciale, des amendes ou des frais de justice imposés par le juge pénal, dans le délai fixé par le SPF Finances, le ministère public peut ouvrir une EPE ou en charger l’Organe central pour la saisie et la confiscation (OCSC). Dans ce cadre, l’OCSC se voit attribuer des compétences supplémentaires (par exemple : réquisition directe de la police par l’OCSC pour l’exécution d’une enquête de solvabilité, accès de l’OCSC au point de contact central de la Banque nationale de Belgique, …). 

Le législateur prévoit expressément que le montant de l’obligation de paiement doit être ‘important’. Il ne détermine toutefois pas de montant minimum. Il ressort de l’exposé des motifs que le MP doit ‘comparer le montant à recouvrer à celui des frais estimés de l’EPE’. Le terme ‘important’ est davantage précisé dans l’arrêté d’exécution. Il s’agirait d’infractions punissables d'une peine d'emprisonnement correctionnel d'un an ou plus et d'une obligation de payer s’élevant à au moins 10.000 euros.

Le Collège des procureurs généraux a été invité à émettre une circulaire indiquant les cas dans lesquels il est opportun d’ouvrir une EPE.

Aucun recours ne peut être intenté contre la décision du MP d’ouvrir une EPE.

Magistrats EPE
L’enquête est menée par les magistrats EPE. Sont visées les différentes entités au sein du ministère public : le procureur du Roi, les auditeurs du travail, le procureur fédéral et les procureurs généraux près des cours d’appel. Tous ces magistrats peuvent demander l’assistance de l’OCSC.

Lors de l’EPE, ils recherchent, identifient et saisissent le patrimoine sur lequel la condamnation au paiement d’une amende, d’une confiscation spéciale ou des frais de justice peut être exécutée. Ils rassemblent également les informations sur la situation patrimoniale du condamné ainsi que des tiers qui complotent avec la personne condamnée pour soustraire le patrimoine de cette dernière à l’exécution des condamnations pénales.

Lors de l’enquête, ils peuvent faire usage des méthodes de recherche classiques (perquisition, audition sans prestation de serment, demande de renseignements bancaires, etc. – sauf arrestation) ainsi que des méthodes particulières de recherche qui, dans le cadre d’une instruction judiciaire, relèvent de la compétence exclusive du juge d’instruction (observation dans un domicile, écoutes téléphoniques, …). Pour ces méthodes spécifiques, le juge de l’application des peines examine d’abord la légitimité, la proportionnalité et la subsidiarité de l’acte. Les magistrats peuvent requérir les services de police en vue d’exécuter ces enquêtes. 

Les magistrats qui mènent l’EPE ou les fonctionnaires de police concernés peuvent procéder à toutes les saisies qui sont nécessaires. La saisie peut porter sur :

tous les biens, aussi bien mobiliers qu’immobiliers, corporels comme incorporels dans le patrimoine du condamné, sur lesquels la condamnation exécutoire au paiement d’une confiscation, d’une amende ou de frais de justice peut être exécutée;
tous les supports d’information, sous forme d’original ou de copie, qui se trouvent chez le condamné ou les tiers, contenant des informations concernant les transactions patrimoniales qui ont été effectuées par le condamné et concernant la composition et la localisation de son patrimoine.

Un certain nombre d’exceptions sont prévues. Saisir des biens qui sont ‘insaisissables sur base du code judiciaire’ n’est pas autorisé. ’ Les supports d’information qui contiennent des données couvertes par le secret professionnel sont également insaisissables.

Dans certains cas, le magistrat EPE peut saisir des biens qui n’appartiennent pas au condamné. Par exemple, lorsqu’il existe suffisamment d’indices sérieux que le condamné a transféré le bien à un tiers dans le but d’empêcher ou de compliquer le recouvrement de la confiscation, de l’amende et des frais de justice.

Notons ici encore que l’EPE est en principe secrète, en vue de garantir l’efficacité des actes d’exécution. La loi prévoit toutefois des exceptions au secret.

Fin de l’EPE
L’EPE se termine lors du paiement intégral ou du recouvrement des montants confisqués, des amendes pénales et des frais de justice ou lors de l’extinction des peines (prescription, décès du condamné, grâce, etc.).

Le magistrat EPE informe le fonctionnaire du SPF Finances chargé du recouvrement et le directeur de l’OCSC de sa décision de clôturer l’EPE.

Saisie par équivalent élargie
La loi règle aussi la saisie par équivalent élargie. Celle-ci est possible si les avantages patrimoniaux illégaux ne peuvent plus être retrouvés dans le patrimoine du suspect qui se trouve en Belgique ou s’ils se sont mêlés à des biens licites. La possibilité de recourir à une saisie par équivalent est étendue aux tiers de mauvaise foi.
Délai de prescription de la confiscation dans les affaires correctionnelles
En ce qui concerne les confiscations qui ont été prononcées du chef de délits, le délai de prescription est désormais fixé à 10 ans, indépendamment de la durée de la peine d’emprisonnement correctionnelle imposée. Le délai actuel de 5 ans en cas de condamnation correctionnelle à une peine d’emprisonnement principale de 3 ans ou moins est apparu trop court pour recouvrer intégralement les montants confisqués dans les dossiers complexes ou affaires à dimension internationale. En outre, le fait de coupler la durée de la prescription de la confiscation à la durée de prescription applicable à la peine principale est problématique lorsqu’aucune condamnation à une peine principale n’est prononcée (par exemple, dans le cas d’une simple déclaration de culpabilité comme sanction pour le dépassement du délai raisonnable dans les affaires pénales).

Une nouveauté est que le Code pénal énumère désormais les motifs d’interruption ou de suspension de la prescription. Le législateur distingue 3 cas dans lesquels le délai de prescription est suspendu :

pendant le temps où le condamné fait l’objet d’une procédure collective d’insolvabilité légale ;
au cours du traitement du recours en grâce introduit par le condamné ou des tiers ;
au cours de la durée effective d’un règlement d’apurement que le fonctionnaire chargé du recouvrement de la confiscation a accordé au condamné.

Comme motif général d’interruption, la loi stipule que le délai est interrompu par des actes d’exécution. Elle décrit un certain nombre de ces actes.

Enfin, le législateur établit qu’il n’est plus possible de prononcer une peine de confiscation avec sursis.

Fonctionnaires compétents pour le recouvrement de la confiscation 
Le SPF Finances est compétent (receveur des domaines) pour le recouvrement des sommes d’argent confisquées impayées (au nom du MP et selon les indications de l’OCSC). Les amendes et les frais de justice impayés sont recouvrés par le bureau des recettes des amendes pénales.

Le législateur confie aujourd’hui plus généralement l’exécution de la confiscation aux fonctionnaires du SPF Finances. Si le recouvrement doit s’opérer dans le cadre d’une EPE menée par un magistrat de l’OCSC, celui-ci s’effectue par des fonctionnaires du SPF Finances qui sont spécialisés en matière de recouvrement de confiscations de sommes d’argent.

Source:Loi du 11 février 2014 portant des mesures diverses visant à améliorer le recouvrement des peines patrimoniales et des frais de justice en matière pénale (I), M.B., 8 avril 2014.
Source:Loi du 11 février 2014 portant des mesures diverses visant à améliorer le recouvrement des peines patrimoniales et des frais de justice en matière pénale (II), M.B., 8 avril 2014.

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