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La différence d’âge de 15 ans en cas d’adoption est contraire à la Constitution

02.12.2017

La Cour constitutionnelle a décidé le 23.11.2017 que la loi ne peut imposer aveuglement une telle différence d’âge entre l’adopté et l’adoptant.

La Cour constitutionnelle a dû se prononcer sur le cas d’une fille dont la mère  est décédée le 26 février 2013. La fille n’a jamais été reconnue par son père biologique même s’il a été présent durant son enfance. La marraine de la fille souhaite l’adopter et les deux parties évoquent un long et profond attachement construit dès la naissance de la fille. La marraine a assumé la charge éducative de sa filleule dès ses 11 ans en raison de la carence des parents biologiques.

Le procureur du Roi a toutefois souligné que la condition d’âge visée à l’article 345 du Code civil n’est pas remplie dès lors qu’il n’y a que treize ans et demi d’écart entre les deux parties et non 15 ans.  En justice, les parties avaient argumenté que l’article 345 du Code civil prévoit un écart d’âge de 10 ans seulement lorsqu’une personne adopte l’enfant de son conjoint, même décédé.  La marraine a invoqué que  rien ne justifie une telle différence de traitement alors que les liens qui se sont développés sont identiques à ceux qui pourraient naître entre un adoptant et l’enfant de son conjoint.

Le Tribunal francophone de Première Instance de Bruxelles décide de poser la question préjudicielle  suivante à la Cour constitutionnelle : « L’article 345 du Code civil viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution lus isolément ou combinés avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ce qu’il prévoit comme condition à l’adoption de l’enfant du conjoint ou du cohabitant même décédé de l’adoptant une différence d’âge de dix ans et une différence d’âge de 15 ans dans les autres cas et qu’il empêche dès lors de donner un effet juridique à une relation affective durable identique à celle qui existerait entre un adoptant et l’enfant de son conjoint ou cohabitant, au seul motif qu’il n’y a pas quinze ans de différence d’âge entre eux ? ».

Avant sa modification par l’article 4 de la loi du 20 février 2017 modifiant le Code civil, en ce qui concerne l’adoption, l’article 345 du Code civil disposait :

« L’adoptant ou les adoptants doivent avoir atteint l’âge de vingt-cinq ans et avoir au moins quinze ans de plus que l’adopté.

Toutefois, si l’adopté est un descendant au premier degré ou un adopté du conjoint ou du cohabitant, même décédé, de l’adoptant, il suffit que ce dernier ait atteint l’âge de dix-huit ans et ait dix ans de plus que l’adopté.

Ces conditions doivent être remplies au moment du dépôt de la requête en adoption ».

La loi du 20 février 2017 remplace à l’alinéa 2 de l’article 345 du Code civil les mots « ou du cohabitant » par les mots » , du cohabitant ou de l’ancien partenaire ».

La Cour constitutionnelle a considéré, pour être compatible avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’ingérence d’une autorité publique dans l’exercice du droit au respect de la vie familiale doit être prévue par une disposition législative suffisamment précise, poursuivre l’un des buts légitimes, et être « nécessaire dans une société démocratique » à la réalisation de ce but.

Une ingérence est, dans ce contexte, considérée comme « nécessaire dans une société démocratique « si elle répond à un « besoin social impérieux » et, en particulier, si elle est proportionnée au but légitime poursuivi et si les motifs invoqués pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants » (CEDH, grande chambre, 12 juin 2014, Fernández Martínez c. Espagne).

Pour être proportionnée au but poursuivi, une ingérence doit non seulement ménager un équilibre entre les intérêts concurrents de l’individu et de la société dans son ensemble mais aussi entre les intérêts contradictoires des personnes concernées (CEDH, 6 juillet 2010,  Backlund c. Finlande, § 46; 15 janvier 2013, Laakso c. Finlande, § 46; 29 janvier 2013, Röman c. Finlande, § 51).

Compte tenu des liens personnels étroits qui doivent être protégés et garantis lorsqu’ils révèlent l’existence d’une vie familiale effective, il n’est pas raisonnablement justifié que la condition d’un écart d’âge de quinze ans prévue par le Code civil empêche de manière absolue l’adoption d’un enfant lorsqu’il y a une relation affective durable entre les candidats à l’adoption et un écart d’âge correspondant à celui prévu par l’article 345, alinéa 2, du Code civil, sans qu’existe, pour le juge, la possibilité de tenir compte de la vie familiale existant entre ces candidats.

L’article 345, alinéa 1er, du Code civil n’est donc pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l’article 22 de la Constitution et avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme.

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